Interview de Myriam Goffard “L’invitée de la semaine” pour Le Républicain Uzès – N°3788 – 30/04/2020.
Comment une personne seule peut réagir au confinement ?
Il faut bien comprendre que chaque personne est unique et singulière. Les réactions dépendent de l’histoire de chacun, de son rapport à l’isolement qui peut générer une souffrance spécifique. Pour certains, la solitude est une richesse, pour d’autres, sans contact et sans rencontre, un repli peut s’opérer. Et dans ce cas, il y a un risque de mélancolie, d’angoisse.
D’autres facteurs entrent en compte, l’angoisse peut être accentuée en fonction des conditions de confinement, du confort dont on bénéficie, de son logement, de sa santé.
Chacun trouve différentes formes d’apaisement de son angoisse. La forme chimique, avec des anxiolytiques par exemple, mais ça peut être aussi un changement d’alimentation, avec des choses plus sucrées. Il peut y avoir une perte des repères qui gèrent notre temps : faire sa toilette, faire du ménage. Avec des questionnements sur le sens des choses, « à quoi bon le faire… ». On réinterroge ses règles et il faut alors trouver des réponses suffisamment dynamisantes.
Et les personnes suivies ne peuvent forcément pas voir leur thérapeute… Y a-t-il des alternatives ?
Certains professionnels se sont autorisés à être créatifs en utilisant différents supports comme le téléphone, Whatsapp, Skype… D’ailleurs, l’utilisation de ces dispositifs est en pleine réflexion dans la profession donc tout ça servira pour la recherche. Pour ma part, j’en avais déjà fait l’expérience pour maintenir le lien thérapeutique avec des patients qui ont changé de région, des étudiants … Et cela a été dès lors plus facile pour le proposer.
La qualité du travail avec ces médias est liée à l’aisance du praticien. S’il est confortable, ça peut très bien se passer. Il arrive même que des thèmes différents soient abordés. C’est un temps de soulagement, qui peut éviter que cette période soit traumatisante. Cela devient alors un dispositif de prévention.
Pour une famille qui doit apprendre à vivre ensemble toute la journée, comment cela peut-il se passer ?
Les situations varient selon l’âge des enfants, la surveillance nécessaire et la logistique afférente. Cela dépend aussi de comment les adultes avaient l’habitude d’être présents au sein du foyer.
Les parents peuvent prendre des temps de réflexion pour penser leurs points de forces et leurs points de fragilité, partager ensemble comment ils les ressentent. Il faut analyser et réajuster au fur et à mesure. Il peut y avoir de nouvelles forces qui apparaissent comme la créativité. Mais il peut y en avoir d’autres qui s’épuisent, comme la patience, la force physique. Si l’on a du mal à s’adapter, cela devient difficile. Il y a des risques de violence. Car le confinement impose une distance à l’extérieur mais pas à l’intérieur. L’intimité constante est une chose compliquée.
Il est impératif d’alterner, en s’autorisant par exemple des petits espaces d’isolement pour chacun. Et il faut aussi distinguer le temps pour les enfants et le temps pour le couple. C’est primordial pour tenir dans la durée.
On parle de burn out parental?
Les parents se culpabilisent de la nécessité d’avoir du temps pour eux. Ce terme est arrivé dans les années 70 et a été repris récemment. C’est un ensemble de symptômes qui manifestent une détresse profonde. Il existe trois grands critères.
L’épuisement physique et psychique. Les parents couvrent toutes les fonctions : soins, alimentation, enseignement et peut-être en même temps télétravail (ce qui est souvent compliqué car il est difficile pour un jeune enfant de comprendre qu’un parent n’est pas disponible). Toutes ces fonctions ne sont pas cumulables. Les conséquences seront souvent des émotions vives.
Il peut ensuite y avoir un désengagement affectif. Petit à petit on n’arrive plus à sentir le souci pour les enfants. On parle d’insensibilité sournoise face aux besoins des enfants, les parents ne réagissent plus aux demandes.
Enfin, une perte de sentiment d’épanouissement et d’efficacité. On n’arrive plus à faire le nécessaire.
Quels conseils donner aux parents ?
Etre dans la bienveillance avec eux-mêmes, se dire qu’ils font ce qu’ils peuvent. Ils ne sont pas de mauvais parents ou des parents fragiles. J’encourage à supprimer au maximum les écrans, limiter les temps d’information, écouter des musiques apaisantes puis dynamiques. Mais aussi essayer de maintenir un lien social.
Nous entendons beaucoup de témoignages dans les médias, il ne faut pas toujours s’y identifier. Chacun doit s’autoriser à chercher ce qui est bon pour lui. Les solutions ne sont pas les mêmes pour tout le monde. C’est une traversée unique.
Des choses positives peuvent ressortir du confinement ?
Nous retrouvons les plaisirs de la simplicité. En famille, on peut observer le développement de son enfant et faire de belles découvertes. Cela peut aussi permettre de nouveaux échanges, remettre en question les priorités et les valeurs.
Un des joyaux de ce confinement est de voir des adolescents qui ne voulaient pas sortir de leur chambre avoir envie de le faire. Et il y a aussi de belles créations, de la poésie, de l’écriture…
Beaucoup de personnes s’autorisent à écouter leurs émotions, ce qu’ils ressentent. Ce sont eux qui ressortiront gagnant de cette expérience.
Myriam Goffard – Propos recueillis par M.R. pour le Républicain UZES – N°3788 – 30/04/2020