Le principe de l’homéosthasie.
Ce thème a été abordé lors de l’atelier réflexif du 18 juin 2025, animé par des membres d’ATD Fédération et moi-même.
Nous observons chacun que face à cette rapidité des informations reçues, et de plus en plus nombreuses, un mécanisme se met en place à l’intérieur de nous, selon un principe appelé « l’homéostasie ».
Quel est ce mécanisme ? Il est basé sur l’idée, à l’instar des processus d’autorégulation de nos fonctions physiologiques, que notre psychisme a une capacité à conserver son équilibre de fonctionnement en dépit des contraintes qui lui sont extérieures. Comme notre corps est lui-même régulé par un processus permettant le maintien constant du milieu intérieur de notre organisme pour la régulation de la température, de la quantité d’eau, de sucre, la concentration en sels dans nos cellules ainsi que le stress.
Ce mécanisme d’homéostasie est au fondement de cette tension qui se crée entre l’accélération extérieure du nombre des informations qui circulent et dont nous sommes l’objet et le ralentissement intérieur de notre pensée ou de nos gestes, selon une dynamique d’équilibre des systèmes vivants.
Quelques aspects peuvent être ici évoqués.
La saturation informationnelle convoque un appel au ralentissement.
Plus l’information devient rapide, omniprésente et immédiate, plus notre psychisme, pour maintenir son intégrité, est contraint de ralentir ses processus internes (une sorte de temps de digestion, d’élaboration, une nécessaire rêverie). Ce ralentissement n’est pas une résistance consciente, mais un réflexe homéostasique : il est urgent de ralentir pour survivre.
Le temps, le rythme de la pensée sont différents du temps de l’information.
L’information aujourd’hui se veut instantanée, directe, mais la pensée, elle, reste soumise à des processus lents avec un temps d’assimilation, de symbolisation, d’association. Ce qui constitue un décalage de plus en plus fort entre l’extériorité (flux rapides) et l’intériorité (métabolisation lente), créant une sorte d’écart croissant entre les deux phénomènes.
Ce flux croissant d’informations génère une fatigue cognitive induisant un retrait temporaire.
Le cerveau sans cesse stimulé déclenche des phases de ralentissement forcé se manifestant par de la fatigue mentale (la fameuse charge mentale), du désintérêt. Un phénomène de « zoning out » se déclenche, c’est-à-dire un phénomène de manque d’attention, de concentration, de déconnexion, pour se protéger de l’hyperstimulation. Il s’agit d’une sorte de « fièvre » ou de « coma » du système nerveux pour rétablir l’équilibre.
Il existe un phénomène de l’illusion de l’instantanéité entretenant le mythe du « temps réel ».
Ce que l’on nomme « instantané » n’est qu’une succession très rapide de stimuli. La pensée, elle, ne suit jamais vraiment ce rythme. L’homéostasie impose toujours un temps de latence, même si socialement nous le nions, parce que nous ne nous en apercevons pas. Nous confondons nos sensations liées à la dimension visible, sensible, avec une réalité plus objectivée mais plus invisible, cependant bien présente et active.
Penser en différé est un geste homéostasique.
L’élaboration psychique devient ainsi un acte de différé. Comme s’il fallait créer un « tampon » entre l’événement en tant que tel et la pensée pour éviter la « surchauffe » de notre appareil psychique.
Ainsi, la recherche du « tout, tout de suite » nuit à l’ensemble de notre équilibre général et génère une pression intérieure aggravant nos propres résistances au changement tant attendu.
Pris dans cette frénésie, nos démarches sont souvent orientées par un souhait d’immédiateté : un rendez-vous souhaité devient un rendez-vous en toute urgence, une demande devient une « commande », une obtention impérative, un acte de soin doit inclure tout de suite la guérison, à toute question doit correspondre une réponse efficace et immédiate, etc.
Or, plus nous pressons les rythmes, plus un autre aspect de notre psychisme ou de notre physiologie résiste et sabote ces velléités du « tout, tout de suite » car au fond, cela ne respecte pas le besoin de temps de latence, d’intégration, d’habituation nécessaire à de nouveaux fonctionnements psychiques possibles, même s’ils sont vivement souhaités et que nous ne supportons plus notre fonctionnement habituel de plus en plus pesant.
Lors de notre prochain article, nous aborderons l’apport de quelques références en psychologie cognitive, neurosciences, sociologie et théorie critique, psychanalyse, pour approfondir nos propos.
Myriam Goffard