Myriam Goffard
Pratique de la psychothérapie relationnelle ? Pour une posture audacieuse de la clinique psychothérapique. Question d’implication.
Intervention au SNPPsy du 19 novembre 2015 – Extrait
La visée de mon propos est d’évoquer la question de l’Implication du praticien à partir d’une approche analytique intégrative et d’une conception ternaire du Sujet, lorsqu’il se risque à la psychothérapie relationnelle, afin de proposer une boussole d’orientation pour penser l’Implication et susciter un débat autour de cette question extrêmement importante, qui si elle nous spécifie, nous emmène souvent dans des chemins sinueux, complexes et souvent laborieux.
Et pour cause. Etymologiquement, au 15ème siècle, l’implication est le fait d’être embrouillé. En droit, il s’agit de l’état d’une personne impliquée dans une affaire criminelle. En logique mathématique, elle est une relation logique entre deux propositions telles que la réalisation de la première entraîne la réalisation de la seconde. Implicatio comme dérivé non seulement de plicare en latin, se traduisant par plier, et comme la racine grecque plek qui signifie également plier, mais aussi de complectere qui peut se traduire par entrelacement, enchaînement, embarras. Ainsi, nous pouvons commencer à entendre que l’implication, ça nous embrouille, ça nous désigne parfois coupable, ça nous met aussi dans la confusion. Et pourtant elle ne peut pas ne pas être, ni dans la construction du petit Sujet, ni dans le maintien d’un équilibre du Sujet adulte. Le Sujet sans l’Autre de l’humain n’existe pas, ainsi la question de l’Implication est au fondement même de notre pratique psychothérapeutique.
Qu’entend-on nous par Implication dans notre champ de la psychothérapie relationnelle ?
Un dispositif psychothérapique dont l’efficience est liée à la possibilité de nouvelles introjections pour le Sujet , à partir des qualités du Sujet professionnel. Et qu’est-ce qui donne qualité au Sujet professionnel ? Entre autres, sa capacité à se laisser orienter par le trajet œdipien qui garantit le trois face au deux qui ne tient pas, l’Un passant toujours sur l’Autre, quel qu’il soit.
En psychologie sociale, où le moi, l’alter et l’objet forment une triade, l’implication selon Moscovici convoque trois dimensions indépendantes : la proximité perçue à l’objet (l’adéquation personnelle relative à l’objet), la mise en valeur de l’objet (l’importance de l’objet pour la personne) et la possibilité perçue d’action (la position perçue du sujet comme agent par rapport à l’action). Mais nous observons que si elles nous éclairent sur le rapport à l’objet, il n’en est pas de même sur la relation entre le moi et l’alter.
En psychologie du travail, l’implication se conçoit également selon une théorie tripartite qui, selon Meyer et Allen, retient les dimensions affectives (avec les valeurs, l’engagement et l’attachement), calculées (développer des investissements qui risquent d’être perdus) et normatives (l’ensemble des pressions normatives qui poussent un individu à agir parce que c’est bon et moral de le faire de la sorte). Mais c’est sans compter sur d’autres forces pulsionnelles inconscientes du Sujet.
En psychothérapie relationnelle, l’implication couvre celle du praticien engagé, celle du thérapisant et celle que les enjeux conscients et inconscients de la relation thérapeutique exigent, du fait de la dynamique transféro-contretransférentielle.
L’implication du professionnel, si elle est souvent attendue et revendiquée par le bénéficiaire d’un acte de soin, est cependant, en opposition à la pensée scientifique dite performante et efficace, réputée comme dangereuse, irrationnelle, avec des biais et erreurs de toutes sortes.
Or, nous savons aujourd’hui combien cette antinomie est dépassée car les biais et les erreurs font sens, elles font corps, les processus cognitifs qui les sous-tendent ne se déroulent pas au hasard et leur occurrence signe le paradigme signifiant la manière dont le Sujet singulier a prise sur le Réel.
L’objectivité résulte de la maîtrise créatrice de réactions irrationnelles, consciemment reconnues, sans perte d’affect. Ainsi, l’implication stimule toutes sortes de processus infra et interpsychiques dont nous allons en citer quelques-uns.